Dans l'épisode précédent (Clodomir, Thierry, Childebert, Clotaire et Dammarie, de 511 à 561), nous avons laissé Dammarie à la fin du règne de Clotaire 1er qui meurt en 561. Il était le dernier survivant des fils de Clovis et avait ainsi reconstitué le Royaume franc de son père. Cette période chaotique n'a pas laissé de traces visibles connues à Dammarie où elle a surtout dû être marquée par des destructions. Mais les mœurs royales de l'époque permettent d'imaginer que la vie y était courte, dure et souvent sanglante… Ci-contre : la Reine Brunehaut
Tout comme les mœurs gauloises auxquelles elles avaient succédé, dans une région déjà ravagée par plusieurs invasions, les mœurs franques se caractérisaient en effet par beaucoup de rivalités, de zizanie, de vengeances et de crimes entre les familles, les clans, les tribus ou vis-à-vis des esclaves…
Instaurée par Clovis et surtout Childebert, métissée de droit Romain, la Loi salique qui nous parait cruelle aujourd'hui répondait en fait à une réelle volonté de pacifier les mœurs.
En fixant pour chaque délit un prix sur lequel le roi émargeait, on installait l'ordre royal mérovingien en même temps qu'on tentait de mettre fin aux vengeances criminelles inexpiables qui ensanglantaient les royaumes Francs d'alors.
EXTRAITS DE LA LOI SALIQUE |
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CLIQUEZ SUR LA CARTE. Partage de la Gaule à la mort de Clotaire, en 561 (Paul Vidal de La Blache, Atlas général d'histoire et de géographie, 1894). Les rois Francs exerçaient un pouvoir militaire fort pour défendre et agrandir leurs territoires mais leur pouvoir politique était faible : hormis la loi salique qu'ils peinaient à faire respecter, ils n'organisaient guère la vie quotidienne des habitants du royaume. Ce sont leurs alliés religieux catholiques ou les hérétiques ariens qui s'en chargeaient. La société est ainsi passée de la domination de l'empire romain à celle de l'église.
Dans la région de Dammarie, ce sont sans doute les moines, les évêques, les comtes et les curés des chapelles des villages qui vont avoir le plus d'influence pour pacifier et organiser la société, sans négliger leurs intérêts…
Dammarie occupait alors une position stratégique au carrefour des influences des évéchés de Sens, Auxerre, Bourges, Orléans et même Tours et Troyes… En lisière aussi de la région Burgonde dominée par les hérétiques ariens.
Dammarie au carrefour de l'arianisme |
L'arianisme, dont les théories préexistaient, est fondé en 318 par Arius ( 256-336 ), prêtre égyptien, à Alexandrie. Contrairement aux catholiques romains, les « hérétiques » ariens pensent que le christ n'est pas le fils de dieu mais un être doté de pouvoirs exceptionnels, ni éternel toutefois, ni égal à Dieu le père. En conséquence, ils nient aussi la Trinité divine rendant équivalents, incarnés et indivisibles le Père, le Fils et le Saint-Esprit. Pour eux, un seul Dieu existait, désincarné, inatteignable, un peu comme chez Platon. La doctrine d'Arius fut condamnée par le concile de Nicée qui, en réaction, institua en 325 le « credo » officialisant la Trinité et le dogme catholique officiel. Devenu évêque en 341,un grec assimilé par les Goths vivant à Constantinople, Ulfila, développa l'arianisme parmi les peuples germaniques et leurs alliés : goths, wisigoths, alamans, vandales et burgondes qui importèrent en Gaule cette hérésie. L'évêque Saturnin d'Arles y contribua également. Le village de Dammarie, rattaché à la fois au domaine royal de Clovis et à la Bourgogne se situa donc au carrefour de l'influence arienne et de l'évangélisation catholique. Hitler abusera bien plus tard des termes de « peuple arien » pour désigner les allemands issus des Goths. CLIQUEZ. Le concile de Nicée, dans l’actuelle Turquie, en 325, vu par Hendrik Van den Broeck, dit Arrigo Fiammingo (1530-1597). Fresque de la bibliothèque du Vatican. |
La loi salique attribuait les successions, en priorité, aux héritiers mâles. Ce sont donc les quatre fils de Clotaire 1er qui , par tirage au sort, se partagèrent à nouveau le royaume des Francs, en 561.
- Caribert 1er hérite de Paris et de la façade Ouest de la France actuelle (Bretagne exceptée)
- Sigebert 1er récupère en deux morceaux l'Est du royaume jusqu'en Thuringe (Austrasie) et l'Auvergne avec les Cévennes. Il deviendra l'époux de la célèbre reine Brunehaut (ou Brunehilde), fille du roi arien des Wisigoths d'Espagne.
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Chilpéric 1er. Obtient Soissons et la Neustrie, jusqu'aux Flandres, terre d'origine des Francs saliens. Il épousera puis, vers 570, il assassinera Galswinthe, la sœur de Brunehaut, sous l'instigation de sa domestique et concubine Frédégonde.
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Gontran 1err (525-592) hérite de la Bourgogne qui inclut alors Orléans, Bourges et Dammarie.
CLIQUEZ. Le mariage de Sigebert et Brunehaut. Manuscrit du 15ème siècle, BNF, BNF Après la mort de Sigebert (575), sans doute victime de Frédégonde, Gontran s'allie avec Brunehaut et son fils Childebert II contre Chilpéric 1er et Frédégonde, pour venger Galswinthe.
Une guerre civile de cinquante ans va opposer les deux clans.
Frédégonde tue son mari Chilpéric en 584 après qu'il se soit aperçu qu'elle entretenait des relations coupables avec un Maire du Palais (sorte de Premier ministre du roi).
Dès lors, elle assure la régence au nom de Clotaire II, le fils qu'elle a eu de Chilpéric et qui n'a que 4 mois.
A la mort de Gontran (587), la Bourgogne et Dammarie rejoignent l'Austrasie de Childebert II et de sa mère Brunehaut.
A la mort de Childebert II, en 595, empoisonné par Frédégonde, Brunehaut exercera la régence sur Dammarie et toute la Gaule de l'est et du sud-est pour le compte de ses deux petits-fils, Thierry II et Théodebert II.
CLIQUEZ. Clotaire II et Saint-Eloi. Tryptique du 15ème siècle, Poitiers. Ceux-ci, alliés, battent Clotaire II à Dormelles, près de Moret-sur-Loing, en 600 et s'emparent d'une grande partie de la Neustrie. Clotaire II ne conserve comme royaume que les régions de Beauvais, Amiens et Rouen.
Il échoue à reconquérir son royaume et perd son fils dans la bataille, en 604.
Il change alors de stratégie et se rapproche de Thierry II.
En 607,il devient le parrain de Mérovée, un des fils de ce dernier.
A partir de 608, Clotaire II et Thierry II seront alliés contre une coalition animée par Théodebert II.
Celui-ci sera vaincu et exécuté, ainsi que ses enfants, en 612.
Après avoir cédé puis voulu reprendre une partie de la Neustrie à Clotaire II, Thierry II meurt de dysenterie en 613.
Ses troupes se dispersent immédiatement, et Brunehaut place sur le trône d'Austrasie son arrière petit-fils Sigebert II, âgé d'une douzaine d'années.
Le supplice de Brunehaut. Miniature du 15ème siècle, BNF. N'acceptant pas la tutelle de Brunehaut, les nobles austrasiens font appel à Clotaire II, qui envahit l'Austrasie, met la main sur le jeune roi et ses frères, qu'il fait massacrer à l'exception de son filleul Mérovée.
Les chefs du clan seigneurial austrasien favorable à Clotaire II, le Maire du palais Pépin de Landen (à l'origine de la famille des pippinides, ancêtre de Charles Martel, de Charlemagne et des autres carolingiens) et l'évêque Arnould de Metz, lui permettent d'accéder au trône d'Austrasie.
Le royaume Franc de Clovis est une nouvelle fois reconstitué.
Brunehaut, trahie, est livrée à Clotaire II, toujours en 613.
A 70 ans, elle est horriblement suppliciée à Renève, près de Dijon. Torturée trois jours durant, elle fut enfin liée à la queue d'un cheval indompté qui la mit en pièces…
Clotaire II fera aussi assassiner les quatre petits-enfants de Brunehaut.
Les mœurs des rois de Dammarie restaient à adoucir…
Telle est la tâche à laquelle s'étaient déjà attelés les premiers chrétiens.
Notre prochain épisode le racontera en détails.
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