Un village né aux Comnailles plusieurs millénaires avant J.-C ?
Le quartier des Comnailles vu du ciel et son mystérieux tumulus
Selon le blog historique d'Annie-France Gaujard, de Rogny-les-sept-écluses, la formation du sol de notre région "remonte à l'époque tertiaire. Les terres sont argileuses, argilo-sableuses et argilo-siliceuses. Les argiles rougeâtres et blanchâtres seront utilisées pour la fabrication de la tuile. On y trouve également des terres blanches et crayeuses et de la pierre à chaux. A certains endroits, le grison (poudingue un peu ferrugineux) affleure dans les sols peu profonds. Les plateaux renferment beaucoup de gros silex, blonds non roulés, dont certains ont des dimensions énormes".
Dans son "histoire religieuse de Montargis et du Gâtinais" (Editions de l'Ecluse, 2006), en s'appuyant historiquement sur l'ouvrage "La géographie humaine préhistorique" de Nougier (Gallimard, 1959), l'abbé Crespin décrit notre région au paléolitique, c'est-à-dire plus de 60.000 ans avant Jésus-Christ.
"Il fait alors très chaud et, au milieu des hippopotames, des rhinoceros et des éléphants, vivent des hommes du Néanderthal". Dans les bassins du Loing, de l'Ouanne, de l'Aveyron, "on retrouve leurs coups de poing ou bifaces dans 21 communes sur 95. C'est bien plus que dans les autres régions du Loiret. Il ne faut pas en conclure que le Gâtinais ait été très peuplé, car la période est extrêmement longue (…). Surtout, nous savons que pour l'ensemble de la Gaule, les hommes du Néanderthal n'ont jamais dû dépasser 20.000 individus vivants".
De fait, des ossements de rennes ont été retrouvés à Montbouy.
Plus tard, mais avant -35.000, le même auteur note : "Le climat est toujours humide mais plus froid. Les mammouths et les ours abondent. La terre qui gèle fournit moins de produits mais les hommes du Néanderthal sont devenus plus ingénieux; ils ont perfectionné leurs outils."
Le long du Loing, leurs traces ont été retrouvées, notamment, à Cepoy, Nargis, Châlette, Montbouy, Châtillon-Coligny, Sainte-Geneviève-des-Bois.
Reconstitution d'un atelier de taille de silex trouvé sur le Loing à Cepoy (Musée du Gâtinais à Montargis)
Il est en tous cas établi que la haute vallée du Loing en général et Dammarie-sur-Loing notamment ont été habités dès le néolithique, c'est-à-dire au moins 2500 ans avant notre ère. Il semble que la région était alors une immense forêt. Le froid avait disparu, le cerf avait remplace le renne. Après avoir remplacé les néanderthaliens, les magdaléniens, présents vers – 10.000, avaient émigré.
Vers -5000, à proximité de Dammarie, des chasseurs tardenoisiens (du nom d'une région de Picardie où ils ont également été localisés), tueurs de cerfs, sangliers et marmottes ayant domestiqué le chien, ont laissé des traces certaines à Ouzouër-des-champs.
Ensuite, entre -3000 et -2000, le peuplement remonte progressivement la vallée du Loing et de ses affluents.
Les populations se fixent prioritairement aux abords des rivières.
Concernant Dammarie, c'est à vérifier et toute information à ce sujet nous intéresse, mais il semble que des cartes d'état major de la Première guerre mondiale mentionnent des traces de huttes néolithiques à l'intersection de la roie départementale qui monte aux Quatre routes et de l'ancien chemin des Comnailles à La Forge (celui qui part face à la sortie haute du chemin des Comnailles).
De fait, si vous vous rendez à cet endroit où des arbres arrachés par la tempête faciliteront votre découverte, vous pourrez entendre crisser sous vos pieds, évoquant des tumulus (amas de pierre au dessus des tombes), des amoncellements de silex qui mériteraient d'être fouillés (avis aux amateurs, à condition qu'ils utilisent des méthodes de professionnels pour ne pas risquer de rater ou de saccager ce qui constituerait d'extraordinaires témoignages du passé du village).
Depuis -1000 environ (Âge du fer) et surtout depuis -500, il existe dans le secteur de nombreux ferriers et de nombreuses forges ou sera extrait et travaillé le fer. Mais si Dammarie a toujours son moulin de La Forge, on n'y trouve pas, à notre connaissance, de ferrier ou de nom dérivé bien identifié (comme Ferrieres ou Champignelles, qui signifierait champ de fer).
"Nos ancêtres les gaulois..."
Entre -2000 et -1000 menhirs et dolmens fleurissent dans le Gâtinais et la Puisaye mais nous n'en connaissons pas à Dammarie-sur-Loing. Un menhir subsiste à Montcresson et un autre se dressait à Pressigny-les-Pins jusqu'en 1947.
Après -1000, la région se peuple de diverses petites tribus de Celtes venus d'Europe centrale. Ces peuplades seront appelées Keltoi par les grecs, puis Galli par les romains, puis galates puis gaulois.
Datant de -450 environ, le Tumulus de la Ronce, à Sainte-Geneviève-des Bois, a révélé deux sépultures princières à incinération (cendres des défunts placées dans des vasques).
La plus ancienne était constituée par une tombe en pierres sèches surmontée d'une petite coupole à encorbellement. Au fond avait été déposés une épaule de sanglier et un cratère de bronze d'origine grec enveloppé de trois tissus qui contenaient les cendres d'un Prince "Celte". Le tout était surmonté d'un massif de pierres sèches ou galgal.
Plus tard, une chambre funéraire en bois a été édifiée sur ce galgal. On y a retrouvé un stamnos (vase) de bronze d'origine Étrusque contenant lui aussi les cendres d'un prince "celte" enfermé dans un voile de laine rouge et bleue sur lequel avait été fixé un bijou en or [1]. Des découvertes contemporaines du trésor bourguignon de Vix et de la route de l'étain que celtes et étrusques convoyaient via la Seine.
C'est peu après, en -390 que les gaulois senons (centrés autour de Sens, très présents vers Dammarie), emmenés par leur chef Brennus ont envahi la pleine du Pô en Italie, pris et saccagé la ville de Rome.
C'est aussi entre le 5ème et le 2ème avant J.-C. qu'un cimetière celte existe aux Terres de l'étang, à Cortrat, à proximité de Dammarie. Une vingtaine de tombes ont été mises à jour. Elles étaient constituées de caissons funéraires en pierres sèches. Les hommes mesuraient entre 1.80 et 1.95 m, les femmes entre 1.70 et 1.75 m. Les hommes avaient à la main droite une épée de fer et son fourreau en fer ou en cuivre. Certains avaient en plus une lance en fer. Les femmes portaient plusieurs bracelets et parfois un collier de bronze. Les vêtements étaient fixés par les fibules en bronze ou en fer.
Les tribus gauloises et le territoire des carnutes dans notre région, vers -50
Pour Jules César, engagé depuis -58 dans la conquête de la Gaule, le contrôle de la place stratégique d'Orléans est une obligation. La ville, qu'ils appellent Genabum ou Cenabum est déjà un important port fluvial et centre religieux des gaulois carnutes. La soumission de la région se fait d'abord sans grandes difficultés.
En -56, César couronne le "roi" Tasget et établit grâce à ce chef collaborateur, son protectorat sur les Carnutes.
Mais, en -54, Tasget est assassiné comme traître à l'indépendance gauloise. Cette première révolte entraîne en plein hiver l'occupation de Cenabum par des légions romaines
En -52, les chefs gaulois carnutes qui peuplaient la région de Dammarie, assemblés près d'Orléans occupée lancent la révolte "nationale" des tribus gauloises contre l'invasion romaine. En février, ils avaient déjà, une fois, chassé les romains d'Orléans mais César et ses armées avaient repris et pillé la ville en mars. Ils avaient fait de même à Sens en -53.
Outre les carnutes, dont la capitale civile était Chartres (Autricum), la région de Dammarie abritait des gaulois Senones ou Sénons (centrés autour de Sens) et des Auxerrois, clients des Sénons. Un autre peuple de la région, centré sur le Morvan et la vallée de la Saône, était celui des Éduens dont la capitale, avant d'être Autun, était Bibracte située sur l'oppidum du Mont Beuvray. Ce peuple, dès le 2ème siècle avant J.-C. s'était montré accommodant avec les romains.
C'est en -52 aussi que César et ses armées, comme il le conte dans La guerre des Gaules, détruisent la grande ville gauloise de Bourges (Avaricum) et massacrent sa population.
Selon l'historien romain Tite-Live, Bourges était alors la capitale des Bituriges. Ce nom signifiait « rois du monde » et, de fait, ce peuple gaulois d'origine celte étendait son influence jusqu'à Bordeaux et fédérait les Arvernes, les Sénons, les Éduens, les Ambarres, les Carnutes et les Aulerques.
C'est en septembre -52, enfin, que les gaulois de Vercingétorix furent défaits à Alésia (dont la localisation, entre Côte d'Or et Jura, reste discutée).
En -51 et -50. Les Carnutes du gâtinais, alliés de Vercingétorix, après bien des résistances, se rendent à César et livrent leur chef Gutruat (ou Guatuater) que César supplicie cruellement.
Dès lors, sous Auguste (-63 +14), le successeur de César, la région de Dammarie est rattachée à la région de l'empire romain appelée la "Lyonnaise".
Commence une ère de paix et de civilisation gallo-romaine que les invasions barbares viendront interrompre dès le 3ème siècle. Mais c'est une autre histoire…
A suivre…
Erigée au milieu du 19ème siècle, la statue de Vercingétorix, à Gien, date de l'époque où l'on croyait que Gien était la romaine Genabum qui s'est avérée être en fait Orléans.
[1] Cf. Milcent P.-Y., Moulherat C., Duday H., EluèreC., Mille B., Regert M., Zurfluh H., 2001, Un tumulus princier du Ve siècle avant J.-C. à Sainte-Geneviève-des-Bois, "la Ronce" (Loiret), Mémoires de la Société Archéologique Champenoise, 15, p. 295-331.
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